FICHE METIER BOSSONS FUTE N° 364 (Maroc)
1. INTITULES SYNONYMES OU APPARENTES
Chaufournier, chouleur.
2. DEFINITION
Le chaufournier garnit le four de pierres calcaires (carbonate de calcium) et l’alimente en fagots de bois secs puis récolte de la chaux vive (oxyde de calcium). La calcination du calcaire (carbonate de calcium CaCO3) à 900 °C permet d’obtenir de la chaux vive (oxyde de calcium : CaO) et un fort dégagement de dioxyde de carbone (CO2). La transformation de chaux vive en chaux éteinte (hydroxyde de calcium Ca(OH)2) s'effectue par un ajout d'eau avec un fort dégagement de chaleur. La chaux est un produit ubiquitaire : sidérurgie, agriculture, bâtiments-travaux publics, traitement des eaux, etc.
3. FORMATION - QUALIFICATION
- Apprentissage sur le tas auprès d’un maître artisan (maalem)
- Transmission de génération en génération (de père en fils)
4. ACTIVITE PRINCIPALE
4.1. LIEUX D'ACTIVITE
A titre autonome, en plein air, loin des habitations, dans des carrières à ciel ouvert.
4.2. DESCRIPTION DE L'ACTIVITE
Plusieurs phases :
- Construction du four
- Terrassement d’une fosse de trois à cinq mètres de profondeur et de trois à quatre mètres de diamètre.
- Sa face interne est enduite d’une couche d’argile pour garder la chaleur. Une fois construit, le four restera opérationnel plusieurs dizaines d’années.
- Le four à chaux se compose de deux parties : la partie inférieure (le foyer) pour les combustibles et la partie supérieure délimitée par un dôme (r’kab) pour les pierres calcaires à calciner
- Collecte des pierres calcaires
- La région de Marrakech est riche en carrières de calcaires à ciel ouvert
- Garnissage du four
- Chargement du foyer en combustible (bois et feuillage à grand pouvoir calorique)
- Garnissage du four en pierres calcaires : c’est une véritable œuvre de construction, nécessitant un maître artisan chevronné. Il range harmonieusement les pierres à cuire sans liant pour que les flammes homogènes puissent passer au travers des couches de pierres. Les pierres de taille moyenne permettent la construction de la partie inférieure de la voûte. Celles de petites tailles forment la partie supérieure du dôme. Les grandes constituent un mur porteur externe empêchant l’écroulement de la voute.
- Cuisson
- Une ouverture en contrebas permet d’alimenter le four en combustibles.
- La calcination dure environ 48 heures durant lesquelles les artisans se relaient pour maintenir une température constante (environ 900 °C).
- Une fois les pierres cuites, la voûte s’affaisse d’environ 20 centimètres.
- L’ouverture sera fermée par des pierres et de la boue et on la laisse refroidir pendant 48 heures.
- Récolte de la chaux
- Les pierres cuites de chaux vive sont retirées avec précaution pour éviter l’effondrement de la voute.
- Extinction
- La chaux vive est arrosée à l’eau.
- La réaction à l’air la transforme en poudre de chaux éteinte(hydroxyde de calcium : Ca(OH)2)
- Stockage
- La poudre est tamisée
- puis stockée dans des sacs hermétiques en matière plastiques pour éviter leur carbonatation (absorption du dioxyde de carbone) qui enlève à la chaux ses propriétés de liant efficace.
4.3. MACHINES ET OUTILS UTILISES
- Four, scie, haches, tamis, pelles, brouettes, masses, pinces, barres, pioches
- Véhicules de transport
4.4. PRODUITS ET MATERIAUX UTILISES
- Bois et feuillage (source d’énergie)
- Pierres calcaires
- Terre et boue pour fermer l’entrée du four
4.5. PUBLIC ET RELATIONS SOCIALES
- Travail souvent isolé en petites unités : propriétaire, maîtres artisans, artisans et manœuvres.
- Contact avec les autorités locales pour l’obtention du permis d’exploitation
- Contact avec clients (grossistes, livreurs)
4.6. EXIGENCES PARTICULIERES
- Contraintes physiques : manutention, travail pénible et exposé à la chaleur
- Contraintes climatiques : travail en plein air (intempéries)
- Contraintes mécaniques : postures, précision du geste, hypersollicitation des articulations des membres (poignets, coudes et épaules)
- Horaire de travail continu
4.7. TRAVAILLEURS HANDICAPES
Le travail est accessible aux personnes porteuses de surdi-mutité
5. ACTIVITES POUVANT ÊTRE ASSOCIEES
Le maître artisan doit maîtriser tout le processus de fabrication et assurer les fonctions commerciales et de gestion.
6. DANGERS
6.1. ACCIDENTS DU TRAVAIL
- Brûlures caustiques par la chaux ou par le feu du four
- Intoxication au monoxyde de carbone
- Coupures, plaies des mains ou des autres parties du corps par des outils tranchants et contendants
- Chutes de plain-pied ou de hauteur, traumatisme par chute d'objets ou de pierres (fractures, écrasements, contusions, etc.)
- Accidents ostéo-articulaires aigus (hernies cervicales, dorsales ou lombaires)
- Projections oculaires de corps étrangers
6.2. AMBIANCE ET CONTRAINTES PHYSIQUES
- Biomécanique du poste : contraintes posturales et articulaires (travail en position accroupie, penchée ou debout bras au dessus de la tête), gestes répétitifs (hypersollicitation des épaules, coudes et poignets), manutention et port de charges lourdes.
- Ambiances physiques : travail en plein air (rayonnement solaire et intempéries), expositions à la chaleur et à un empoussièrement intense
6.3. AGENTS CHIMIQUES
- Fumée et gaz dégagés des combustibles, des pierres et impuretés calcinées
- Chaux vive : base forte, pH = 12,4 à 25 ° C pour une solution saturée de hydroxyde de calcium (chaux éteinte).
6.4. AGENTS BIOLOGIQUES
- Acariens et champignons (produits végétaux servant de combustibles)
- Tétanos (clostridium tétanie) par effraction cutanée et contact avec la terre ou du matériel souillés.
- Mycoses par macération
- Surinfection des plaies
- Leptospirose par contact direct avec l’eau, la terre ou les aliments souillés par les urines des animaux rongeurs surtout lors du travail en plein air
- Hépatites virales si outils de travail souillés par le sang d’un porteur sain.
6.5. CONTRAINTES ORGANISATIONNELLES ET RELATIONNELLES
- Le maître artisan «maalem» est le chef d’atelier. Ses tâches sont nombreuses ; il intervient à tous les niveaux du processus de la fabrication et contrôle le travail des compagnons, des autres artisans et des apprentis. La planification, la gestion, l’organisation et la commercialisation lui reviennent.
- Pour les autres artisans, le travail est caractérisé par un horaire continu, un contrôle de la hiérarchie, la polyvalence des activités, la rémunération au rendement et des durées de travail importantes.
7. RISQUES POUR LA SANTE
7.1. MALADIES PROFESSIONNELLES (tableaux marocains)
- Tableau n°7 : Tétanos professionnel
- Tableau n°14 : Leptospirose
- Tableau n°27 : affections provoquées par les vibrations et chocs transmis par certaines machines –outils
- Tableau n°42 : Affections respiratoires de mécanisme allergique
- Tableau n°43 : Affections oculaires dues au rayonnement thermique
- Tableau n°43 bis: Affections oculaires dues au rayonnement thermiques associe aux poussières.
- Tableau n°59 : Affections péri articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail
- Tableau n°62 : Lésions eczématiformes de mécanisme allergique
- Tableau n°72 : Péri onyxis et onyxis.
- Tableau n°73: Mycoses cutanées
- Tableau n°84 : lésions chroniques des ménisques
7.2. AUTRES RISQUES
- Pathologies en rapport avec l’exposition à la chaleur et aux fumées et gaz irritants : troubles visuels, lésions oculaires et irritations cutanées
- Pathologies en rapport avec le travail en plein air et au contact direct avec la terre : infections respiratoires répétitives et affections cutanées (épithéliomas), insolations et coups de chaleur
- Pathologies digestives : troubles gastro-intestinaux à type d’épigastralgie, de diarrhées ou de constipation (absence des règles d’hygiène élémentaires et repas pris sur les lieux du travail)
8. SURVEILLANCE MEDICALE
Le secteur artisanal marocain ne bénéficie pas de la santé au travail bien qu’il y soit légalement assujetti.
8.1. VISITE MEDICALE
- Visite d'embauche puis périodiques selon l’appréciation du médecin du travail (périodicité plus importante dans certains cas : travailleurs de moins de 18 ans).
- L’examen recherchera les affections visuelles, musculo-squelettiques, respiratoires, cutanées et veineuses et les éventuelles addictions (tabac, alcool, cannabis, etc.).
8.2. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
- Radiographie pulmonaire et spiromètre préalable à l’affectation
- Bilan sanguin : numération formule sanguine, urée, créatinine, transaminases, glycémie.
- Autres : en fonction des résultats de l’examen clinique
8.3. VACCINATIONS
Diphtérie, tétanos, poliomyélite, hépatite B, grippe et pneumocoque
8.4. SUIVI POST-PROFESSIONNEL
Un suivi post-professionnel devra être réalisé.
8.5. DOSSIER MEDICAL
- Il est exigé par la réglementation
- Le dossier médical doit comporter les résultats des examens cliniques et complémentaires.
9. NUISANCES POUR L'ENVIRONNEMENT EXTERIEUR
- Pollution de l’air (poussières et le monoxyde de carbone) et consommation d’énergie (bois).
- Risque d’incendie
- Déversements non contrôlés dans les cours d’eaux (l’augmentation du pH des eaux résiduaires et de surface perturbe la vie aquatique).
10. ACTIONS PREVENTIVES
L’employeur est tenu par la réglementation de prendre les mesures adéquates pour réduire les nuisances et les risques professionnels.
10.1. INDICATEURS D'AMBIANCE ET METROLOGIE
- Métrologie de l’ambiance thermique
- Prélèvements atmosphériques : fumée ; gaz ; poussières.
- Biomécanique du poste : évaluation des gestes et postures et mesure de la charge physique
10.2. PREVENTION COLLECTIVE
- Respect de la législation en matière d'horaires et de port de charge
- Respect des règles de sécurité et d'hygiène
- Locaux propres et bien entretenus
- Vestiaire avec un double compartiments
- Installations sanitaires (WC, lavabo, douches)
- Interdiction de boire, de fumer et de manger sur les lieux de travail (réfectoire sur le lieu de travail ou à proximité)
- Protections contre les chutes (sol antidérapant et systèmes anti-chutes)
- Machines et outils de travail moins bruyants, moins vibrants et plus légers
- Stockage rationnel de la chaux
- Ergonomie des postes et de l'organisation du travail
- Adaptation des plans de travail,
- Lutte contre les mauvaises positions,
- Mécanisation de certaines tâches pénibles
- Respect des temps de pauses (travail à la chaleur)
- Lutte contre la pollution environnementale
- Aspiration des poussières et gestion des déchets
- Mise en place d'une procédure d'urgence en cas d'accidents et présence d'une trousse d'urgence.
10.3. PREVENTION INDIVIDUELLE
- Equipements de protection individuelle adaptés : tenue de travail, chaussures ou bottes de sécurité antidérapantes et anti perforantes, lunettes de protection, masques antipoussières, gants, crèmes de protection cutanée.
10.4. FORMATION - INFORMATION - SENSIBILISATION
-
Organiser pour les artisans des compagnes de sensibilisation sur les risques encourus, les maladies professionnelles et les règles d’hygiène et de sécurité au travail : utilisation des équipements de protection individuelle et hygiène alimentaire, corporelle, des locaux et de vie, etc.
-
Les conditions de travail dans le secteur artisanal sont plus dangereuses que celles des grandes entreprises parce que l'artisan ignore les questions relatives à la santé au travail, à la sécurité et n'est pas financièrement capable d'assurer la prévention.
-
Les bureaux municipaux d’hygiène doivent assurer des prestations de santé au travail dans ce milieu. Ces services doivent être gérés par des médecins du travail qui doivent en plus exercer des activités de promotion de santé combien utiles dans un pays où les infrastructures sanitaires sont défaillantes.
11. REGLEMENTATION
11.1. TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
- Le titre IV du livre II de la loi n°65-99 relative au code du travail traite de l‘hygiène et de la sécurité des salariés, des services médicaux du travail et des comités d’hygiène et de sécurité
- L’arrêté n° 93-08 du ministre de l’emploi relatif à l'application des principes énoncés par les articles de 281 à 291 du code de travail précise un certain nombre de mesures se rapportant à :
- l’aménagement des locaux de travail.
- la préservation de l'hygiène et de la sécurité des salariés dans les locaux du travail.
- l’ambiance des locaux du travail : aération, chauffage, éclairage des locaux du travail et la prévention contre les risques dus au bruit.
- les locaux réservés aux repas.
- la prévention contre les incendies.
- la prévention des accidents du travail.
- Décret n° 2931 du 29 avril 1993 fixant les conditions d'application du régime de sécurité sociale aux salariés travaillant dans les entreprises artisanales.
11.2. RECOMMANDATIONS
11.3. NORMES
- NM (Normes marocaines) .4.001-1993 : protection contre les agents physiques, chimiques et biologiques
- NM 00.5.800 et 801-2001 : système de management de santé et de sécurité au travail
11.4. CONVENTIONS COLLECTIVES
12. BIBLIOGRAPHIE
- Benyahya M Droit de l’artisanat. Publication de REMALD, série « textes et documents » n°207,2008 ; 263-272
- Laraqui CH. Sécurité et santé au travail en milieu artisanal au Maroc. Thèse de Doctorat en sciences de la vie et de la santé – spécialité sciences du travail. Université Louis pasteur, Strasbourg, 2001 ; 504 p
- Laraqui CH, Caubet A, Harourate Kh, Belamallem I, Laraqui O, Verger Ch. Risques professionnels dans le secteur artisanal marocain et proposition d’une couverture médicale du travail. Sante Publique 1999 ; 11 ; 3 : 317-27.
- ROME Les fiches métiers. H3303 Préparation de matières et produits industriels (broyage, mélange,...) (Pôle emploi) (2009)
- Classification Internationale Type des professions CITP-08 : 8114 : Conducteurs de machines à fabriquer du ciment, de la pierre et d'autres produits minéraux (O.I.T.) (2008)
13. ADRESSES UTILES
AUTEURS : Chakib Laraqui (médecin du travail)This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) ; Nadia Manar (Master en hygiène, sécurité, environnement)(This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) ; Rachid Aloui (médecin du travail) (This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) ; Ahmed Ettaqi (médecin du travail ; (This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) ; Christian Verger (médecin inspecteur du travail)(This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.) ; Alain Caubet (médecin du travail)(This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
DATE DE CREATION : Octobre 2012
DERNIERE MISE A JOUR :
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